Née en Inde mais vivant en France, Neela Vermeire est une créatrice passionnée. Amoureuse de longue date du parfum, elle se confie sur son parcours, ses ingrédients fétiches et sa vision de la parfumerie de niche aujourd’hui.
1/ Bonjour Neela, quel est votre premier souvenir olfactif ?
J’ai des souvenirs de vacances en Inde dans les collines verdoyantes, fraîches et parfumées. Je me souviens de l’odeur des fleurs et du bois de santal utilisés dans les cérémonies, de celle des fruits tropicaux frais, du pétrichor*, des épices, du thé et du café de la côte de Malabar. L’Inde peut être une agression pour tous les sens, un mélange de chaleur et de pollution, de bon et de moins bon.
2/ Comment votre passion pour les parfums a-t-elle évolué ? Êtes-vous passé par différentes étapes ?
Oui, tout à fait. J’ai commencé comme collectionneuse de parfums dans les années 1990, puis je suis lentement devenue une connaisseuse et j’ai ensuite commencé à explorer les possibilités pour créer mes propres parfums. Donc, oui, ma passion a beaucoup évolué.
3/ Comment vous êtes-vous finalement lancée ?
Au début des années 2000, j’ai réalisé que ma passion pour les parfums était plus forte que le reste. J’ai étudié et échangé avec des collectionneurs du monde entier partageant les mêmes idées. J’ai également rencontré plusieurs propriétaires de marques et découvert leurs parfums pour comprendre leur parcours. Mon idée est née de manière naturelle pour créer un lien entre l’Occident et l’Orient. C’est une lettre d’amour à l’Inde, mon pays, que j’ai quitté pour étudier aux États-Unis, et puis la vie m’a emmenée en Europe. Je n’ai pas fait d’études formelles de parfumerie. J’ai élaboré le concept de la marque et j’ai travaillé en étroite collaboration avec un parfumeur qualifié pendant plusieurs mois pour affiner les parfums et les rendre conformes à ma vision. En fait, je suis une passionnée et une collectionneuse depuis le début des années 1990, ce qui a été tout un voyage. Je ne fais pas de focus groups ou de tests consommateurs, je n’ai pas non plus recours aux évaluateurs pour analyser les parfums en développement -seulement des amis très proches. Nous ne lançons pas non plus un parfum tous les six mois. De même, nous n’annonçons pas nos projets afin de maintenir un sentiment de surprise chez nos clients et nos fans.
4/ Quels sont les plus grands défis auxquels vous avez été confrontée ?
Mon plus grand défi a été de ne pas faire partie du monde de la parfumerie française – de nombreux créateurs de marques ayant déjà eu une carrière dans les parfums, que ce soit la gestion de produits ou le marketing. Il ne faut pas non plus perdre de vue un deuxième défi, plus économique. Par définition, travailler dans le secteur de la niche signifie généralement des séries plus petites, et qui dit séries plus petites dit également coûts plus élevés. Nous aurions pu opter pour un service clé en main, mais pour être fidèles à nous-mêmes et créer un concept totalement cohérent, nous avons estimé que nous devions gérer en interne chaque partie du projet.
5/ Où trouvez-vous l’inspiration ?
Mes sources d’inspiration sont multiples : l’art, la musique, l’opéra, les textiles et bien sûr la cuisine. J’ai vraiment l’embarras du choix à Paris, une ville que j’adore et qui est le berceau de l’industrie du parfum. J’aime voyager et je rapporte aussi des idées de ces voyages.
6/ Quels sont vos ingrédients de prédilection ?
Mes préférences olfactives ont également évolué avec le temps : j’ai toujours beaucoup aimé le bois de santal et c’est la pierre angulaire des premiers parfums. Je l’adore toujours mais je pense que je suis aujourd’hui plus ouverte à l’alchimie créative et à la magie de la parfumerie moderne. J’aime aussi beaucoup les fleurs blanches, les roses, les résines et bien d’autres matériaux que vous identifierez probablement dans de futurs parfums…
7/ Et dans la Nature, quelles sont vos odeurs préférées ?
Les ingrédients naturels jouent un rôle important dans mes créations, et j’aime particulièrement les bois, les aromates, les fleurs… Et bien sûr, mes parfums ne seraient pas ce qu’ils sont sans épices, reflétant mon héritage olfactif oriental.
8/ Vos parfums sont développés avec Bertrand Duchaufour. Comment travaillez-vous ensemble ? Qu’avez-vous appris de lui ?
Bertrand m’a beaucoup aidé à mieux comprendre comment différentes matières premières, dans des proportions différentes, fonctionnent ensemble pour créer un parfum. Il m’a aidé à affiner cette partie du concept que j’avais imaginé. Je trouve une idée, j’ai une esquisse, je suggère des produits naturels et je travaille en étroite collaboration avec lui pendant plusieurs mois pour évaluer le parfum et le rendre fidèle à ma vision. Je ne suis pas parfumeuse moi-même mais Bertrand a parfaitement compris mon désir de rendre hommage au patrimoine olfactif de l’Orient, et de le connecter avec l’Occident.
9/ Quelle est la philosophie de votre marque ?
Notre philosophie actuelle est de créer de beaux parfums, riches et complexes, avec un clin d’œil à l’Orient. Des parfums que nous espérons que les gens porteront encore longtemps. Si je devais faire ça en une phrase pour notre gamme classique, je dirais « inspirée par l’Orient, créée et développée avec amour en Occident ». Nous pourrions bientôt ajouter de nouveaux éléments à cette philosophie… mais je ne vous en dis pas plus.
10/ Vos trois premiers parfums sont un hommage à trois époques différentes de l’histoire indienne, de la spiritualité des anciens temps védiques aux splendeurs de la période moghole et du Raj britannique, et pour finir la vivacité de l’Inde contemporaine. À quelle époque de l’histoire indienne auriez-vous aimé vivre ?
C’est une question très intéressante ! J’aurais aimé connaître la vie intellectuelle et artistique des Moghols et son évolution sous le Raj britannique. Mon expérience personnelle a été de grandir dans « l’Inde contemporaine » (les années 1980). Chaque fois que je visite l’Inde -ce que j’ai fait de nombreuses fois au cours des dernières décennies-, je suis stupéfaite de constater la rapidité avec laquelle le pays évolue, et que dans le même temps certaines choses semblent immuables.
11/ Votre parfum Ashoka a été récompensé en 2014 aux Art & Olfaction Awards. Comment avez-vous mis en parfum l’histoire de ce souverain légendaire qui est passé du statut de guerrier impitoyable à celui d’empereur bienveillant ?
En fait nous avons essayé d’inverser les pyramides, pour refléter son parcours personnel. Les notes de tête sont fortes, les notes de cœur évoluent proprement, et le fond est plus rond et suave.
12/ Votre dernière création, Niral, est un parfum soyeux, centré autour de l’iris. Il m’évoque un luxe discret et serein. Et pour vous, que signifie le luxe ?
Le luxe est une idée subjective. Je pourrais dire qu’avoir la chance de vivre en harmonie avec l’environnement représente l’idée même du luxe. Car le luxe n’est pas nécessairement matériel selon moi. Mais c’est vrai qu’il y a aussi du luxe dans le fait de profiter de belles choses et de produits magnifiquement fabriqués avec des matières premières de qualité. Ce que nous avons essayé de faire, à travers notre gamme de parfums, c’est d’offrir un luxe discret. D’emmener les gens dans un voyage sensoriel.
13/ Pierre Dinand a conçu un flacon très symbolique pour vos créations.
En effet, il comporte 24 arêtes comme le logo du chakra avec 24 tours Eiffel. Il était très important pour moi de connecter l’Occident et l’Orient. Parce que je me sens citoyenne du monde. Mais aussi parce que les parfums mettent en avant des liens qui existent entre différents pays.
14/ Pour conclure, quel sera le thème de votre prochaine création parfumée ?
Ah, il faudra attendre pour partager cette nouvelle… ce sera un nouveau voyage !
(*) odeur de terre ou de pierre mouillée après la pluie
Connaissiez-vous Neela Vermeire ? Et vous, quelles senteurs vous évoquent l’Inde ?
Un commentaire sera tiré au sort et permettra à son auteur(e) de gagner un set d’échantillons Neela Vermeire Créations. Pour participer, vous devez être membre du Club. Bonne chance !
Concours terminé : la gagnante est Sandrine.
Article très intéressant. Je ne connais pas les parfums de cette maison. Ce qui m’évoque l’Inde, ce sont les épices utilisées en cuisine, en particulier le curry.
Je ne connais ces créations que de nom et je ne connais pas non plus l’Inde mais si je devais décrire ce pays par des odeurs, je penserais tout de suite aux épices et aux volutes d’encens.
Bonjour,
Non, je la découvre.
La première senteur que j’associe à l’Inde est l’oudh.
Merci.
Bonjour,
Non, c’est une découverte pour moi et les découvertes olfactives me plaisent beaucoup !
L’Inde me fait penser aux encens et à une tasse de thé chai…
Bonjour,
Etant une grande fan de parfum, je suis ravie de pouvoir découvrir une nouvelle maison avec de nouvelles senteurs.
L’Inde me fait penser au voyage, aux milles et une nuits…
Comme beaucoup, l’Inde m’évoque les épices… et je trouve ça très dommage car je n’ai pas beaucoup d’autres inspirations. Ce doit être très intéressant pour une native de faire découvrir les petites subtilités dissimulées derrière les grands modèles dont on se sert pour se construire l’image d’un pays.
Quand je dis que seules les épices m’évoquent l’Inde, c’est un peu faux : les thés de Kangra et Assam sont de pures merveilles !
Je constate aussi que Mme Vermeire s’est entourée judicieusement de Bertrand Duchaufour qui, comme il l’a prouvé à de multiples reprises, sait voyager ! Lorsque, régulièrement, je passe mon nez sur Al Oudh de L’Artisan Parfumeur, j’ai l’impression d’être transporté en plein pays arabe ; c’est de très loin le parfum m’évoquant le plus fidèlement une destination !
Nous sortir des clichés sur l’inde ne sera pas une mince affaire, mais je suis toutes narines dehors.
Bonne chance à elle, je lui souhaite le meilleur des succès !
Bonjour,
Une très belle interview de Neela Vermeire dont j’avais remarqué l’esthétique des flacons. J’en connais désormais la signification.
Je n’ai en revanche pas eu l’occasion de sentir ses créations.
Le safran, la crème de riz, l’encens, le thé m’évoquent l’Inde… la liste est loin d’être exhaustive.
Bon week-end parfumé
Bonjour, je n’ai malheureusement jamais eu la possibilité de sentir ces parfums.
Ils m’évoquent le voyage, les terres lointaines, le dépaysement.
J’aime beaucoup la cuisine indienne, riche en saveurs et en odeurs, et serais curieux de découvrir l’univers olfactif de Neela Vermeire.
Je ne connais pas non plus cette créatrice mais l’interview m’a fait voyager !!
L’Inde pour moi, c’est le thé, les épices et surtout le bois de santal que je retrouve dans Samsara de Guerlain que j’adore.
Je croise les doigts pour le coffret d’échantillons 🙂
Merci pour cette belle interview et pour le concours.
Je suis fan de Samsara moi aussi (même si je regrette l’ancien flacon) et le santal est un de mes ingrédients favoris.
Un parfum indien au santal, ça doit être délicieux.